Philip Kirill de Prusse, au service de Dieu et de la monarchie

Arrière-arrière-petit-fils du Kaiser Guillaume II, Philip Kirill de Prusse est un pasteur empreint d’une foi profonde. Monarchiste convaincu, c'est un dynaste controversé pour ses détracteurs qui pointe du doigt son fondamentalisme de droite. Déchu par le mariage inégal de ses parents, il jette un regard critique sur son cousin Hohenzollern, l’actuel prétendant au trône impérial.

Cédée à la Pologne après 1945, la rive droite de la ville de à Görlitz [Zgorzelec] abrite un nombre de monuments gothiques. Parmi lesquels le Temple de la Renommée de la Haute-Lusace inauguré en 1902 par le Kaiser Guillaume II. Il a été dédié à l’histoire commune de la Pologne et de l’Allemagne impériale des Hohenzollern. C’est ici que Philipp Kirill de Prusse, 55 ans, a posé temporairement ses valises. Une visite qui a attiré l’œil des médias saxons venus à sa rencontre. Philip Kirill de Prusse est l’arrière-arrière-petit-fils du dernier Empereur d'Allemagne et il aurait pu devenir le chef de la maison impériale d’Allemagne si ses parents n’avaient pas contracté un mariage inégal. Une affaire qui a défrayé la chronique à son époque. 

Friedrich wilhelm prinz von Preussen @wikipédia

Un mariage inégal

En 1967, le prince Frederic-Guillaume de Prusse (1939-2015) décide d’épouser Waltraud Freydag. La famille de la promise est de bonne naissance. Elle appartient à la petite noblesse allemande. Certains de ses membres ont été chevaliers teutoniques et ont même joué un rôle important à la fin de la Seconde Guerre mondiale en participant à l’Opération Walkyrie (1944) ou en étant réfugiés dans le bunker d’Hitler (1945) à la chute du IIIe Reich. Un pedigree éloquent qui ne plaît pourtant pas au chef de la maison impériale, le prince Louis-Ferdinand de Prusse, qui considère cette union comme inégale et finit par exclure son fils de la lignée de succession. Les droits revenant désormais à son petit-fils, le prince Georg Friedrich de Prusse. Si le père de Philip Kirill accepte cette décision, il reviendra dessus à la mort de son père en 1997 et tentera de faire valoir ses droits devant les tribunaux aux côtés de divers princes de la maison impériale. En vain.

Un nom en héritage

Philip Kirill, seul enfant du couple, va grandir loin des Hohenzollern. Des études de droit, professeur, il décide finalement de se consacrer à la théologie entre 2008 et 2013 afin de devenir pasteur évangélique. Très humble, il n’attache pas une grande importance aux souvenirs qui rappellent la gloire de sa dynastie. « Le plus important pour moi, c'est que nous n'ayons pas de résidence permanente ici-bas sur terre, mais que ce soit juste le premier chemin vers notre demeure céleste. Donc, je ne pense pas que m’attacher aux choses matérielles, cela serait approprié. J'ai profondément intériorisé ceci. Mais sur le plan humain, c'est toujours douloureux pour moi de réaliser – peu importe dans quelle ville je me trouve – tout ce qui a été perdu [par ma famille-ndlr] » déclare-t-il au quotidien Preußische Allgemeine Zeitung venu l’interroger lors de sa visite fin septembre dans la ville de Görlitz.

Un regard critique sur les Hohenzollern

Il jette un regard critique sur son cousin, le prince Georg Friedrich de Prusse qui attaque en justice, depuis des années, le gouvernement de la République fédérale dans le but de récupérer toutes les anciennes possessions immobilières de sa famille. La branche de Philip Kirill n’est guère en odeur de sainteté chez les Hohenzollern. Lui-même confesse avoir que peu de rapports avec son grand-père et avoir fait la paix avec ce dernier à l’occasion de ses 24 ans. Il est vrai que le prince Frederic-Guillaume de Prusse est l’auteur d’un livre paru en 1984, intitulé Les Hohenzollern et le national-socialisme, qui démontre les liens étroits de la maison impériale avec les nazis. Un pan de l’histoire de la maison impériale qui prive justement l’actuel prétendant au trône impérial de pouvoir récupérer les anciens châteaux nationalisés par la République au lendemain du conflit mondial. Même si Philip Kirill affirme êtreprêt à jouer un rôle de médiateur dans le conflit entre son cousin et le gouvernement qui perdure.

Un homme de foi controversé

Interrogé sur sa situation de dynaste déchu, Philip Kirill préfère ironiser en rappelant que son cousin lui-même ne respecte pas le document de 1938 qui régit la lignée de succession au trône impérial d’Allemagne. Il rappelle que le prince a épousé une catholique [Sophie d'Isembourg] alors que la couronne impose un mariage avec une protestante. « Il y a généralement une réunion de famille par an au château de Hohenzollern. Je n'y ai jamais été invité. Après la mort de notre grand-père, j'ai immédiatement contacté Georg Friedrich dans le but de faire connaissance en tant qu'amis. Après quelques difficultés initiales, ça a marché. Malheureusement, ça s'est essoufflé par la suite » déclare Philipp Kirill à l’Oberlauzitser Kurier. Il n'en a cure. « Vous savez, tout cela me fatigue. Je suis tourné vers des préoccupations qui me tiennent plus à cœur. C’est-à-dire Dieu et la protection de la famille. Et justement, je ne veux pas négliger ma famille pour cela » affirme ce père de six enfants. Depuis qu’il a endossé le costume de pasteur, Philip Kirill de Prusse entend convertir les âmes. Grâce à Dieu, il a trouvé « son équilibre intérieur ». « Dieu prend soin de moi ! Il nous a donné un presbytère près de Berlin, qui nous a été offert par l'Église morave après avoir passé une annonce : « Huit Prussiens viennent à Berlin et cherchent un logement » s’amuse t-il sous un air très sérieux. La maison se démarque de celles du quartier, principalement grâce à un jardin assez vaste. « On peut dire que Dieu a fait en sorte que nous puissions nous sentir à l'aise » ajoute Philip Kirill très fier d’avoir élevé ses enfants dans sa foi. Pour autant ce visage souriant, cette figure encline au partage et la fraternité, reste controversé et ne plaît pas à tout le monde. Connu pour ses écrits dans le journal de droite Junge Freiheit, décrit par le quotidien Le Monde comme étant « la « droite nationaliste et conservatrice allemande », il a semé l’émoi en 2019 lors d’un sermon prononcé à Neustadt où il a été accusé par certains de promouvoir une « idéologie chrétienne-fondamentaliste et nationaliste de droite » après avoir affirmé que « l’antisémitisme était ancré chez les musulmans ». Des propos qui ont suscité la polémique et qui ont contraint Philip Kirill a répondre à ses détracteurs. « Je refuse cela avec la plus grande détermination. Je suis chrétien, je suis patriote. Tout ce qui est extrême me répugne. Vous entendez ce que vous voulez entendre. J'ai pointé l'antisémitisme de tous bords et j’ai osé évoquer l'antisémitisme de certains musulmans [en Allemagne-ndlr] » a expliqué le descendant du Kaiser, aperçu dans des manifestations « pro-vie ». Des idées qu’il ne cache d’ailleurs pas sur son compte Twitter où il partage régulièrement des tweets contre le wokisme ou contre l’avortement.

Partisan du retour de la monarchie, comme il l’a lui-même expliqué publiquement lors d’une interview accordée en 2012 au « Christ & Welt », il est convaincu que ce système est un « facteur identitaire d’unité » et que les mentalités sur le sujet « évoluent différemment de ce qu’elles étaient auparavant ». Même si cette question « suscite encore des réactions irrationnelles » chez ses compatriotes. Selon un sondage daté de 2013, seuls 19% des allemands souhaitent le retour de la monarchie (un score élevé chez les 18-24 ans qui sont à un tiers d’entre eux favorables à ce que l’Allemagne devienne un empire).

Copyright@Frederic de Natal

 

 

Date de dernière mise à jour : 17/10/2022

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