Enquête : Louis de Bourbon et ses étranges liens avec VOX

Il est le nouveau prince bleu des nostalgiques du franquisme. Alors que l’Espagne est confrontée à une crise identitaire, politique et économique accentuée par la pandémie de Covid-19, le prince Louis-Alphonse de Bourbon a cristallisé l’attention des médias par sa défense acharnée du régime de son arrière-grand-père, le général Franco, et par ses liens avec le parti du député Santiago Abascal dont il est proche. Récemment, les médias espagnols se sont posés la question des réels liens existants entre Vox et celui qui est également le prétendant au trône de France, évoquant des financements occultes via une société écran basée au Luxembourg. Un temps pressenti pour un siège aux Cortès, le prince Louis-Alphonse de Bourbon est-il un des financiers et un lobbyiste de Vox ? Enquête sur les étranges liens du duc d’Anjou et de Vox dont se gargarise actuellement la presse hispanique.

D’un Wikipédia à un autre, l’encyclopédie en ligne, le traitement biographique du prince Louis-Alphonse de Bourbon diffère étonnamment.  Cependant, que ce soit la page qui lui est consacrée en français ou en espagnol, elles résument à elles seules toute la complexité d’un prince qui a les yeux constamment tournés des deux côtés des Pyrénées sans savoir à quels saints se vouer.  Agé de 46 ans, le duc d’Anjou est le cousin du roi Felipe VI, l’arrière-petit-fils du roi Alphonse XIII et le descendant direct de Louis XIV. Un arbre généalogique impressionnant qui fait de lui l’aîné de la maison de Bourbon, un prétendant au trône de France et un potentiel candidat à la couronne d’Espagne. Mais c’est aussi l’arrière–petit-fils, le « bisnieto » du général Francisco Franco qui a dirigé le pays de Cervantès d’une main de fer entre 1939 et 1975. En voulant exhumer, avec succès, ses restes de la Vallée de Los Caïdos où il reposait, la coalition de gauche au pouvoir a réveillé tout le ban et l’arrière-ban de ce que l’Espagne compte de mouvances d’extrême-droites. Louis-Alphonse de Bourbon a été soudainement mis sur le devant de la scène politique locale et son combat , ses nombreuses déclarations publiques en faveur du Caudillo ne sont pas passés inaperçues. En prenant la tête de la Fondation qui se bat pour honorer la mémoire du dictateur, Louis-Alphonse de Bourbon a fait preuve d’une suractivité politique qui en a étonné plus d’un, notamment par la virulence de ses attaques contre le gouvernement espagnol sur les réseaux sociaux, quitte à fasciner ses partisans en France ou à les gêner considérablement. Mais qu’en est-il alors de ses liens avec Vox, le mouvement de Santiago Abascal dont il ne cache guère sa proximité ?

Fin septembre 2019, des photos d’une rencontre entre Louis-Alphonse de Bourbon, dossier à la main, et le leader de Vox font la une de quelques tabloïds espagnols qui s’interrogent sur ce mystérieux déjeuner dans un restaurant de Madrid où le prince réside à l’année. Rapidement des rumeurs d’une potentielle candidature du duc d’Anjou aux élections législatives se répandent à la grande joie des nostalgiques du franquisme et autre monarchistes désabusés, carlistes de passage. « Eres nuestro Rey » (tu es notre roi)  crient-ils durant l’été 2018 alors que le fils d’Alphonse de Bourbon descend le parvis de l’église de la Vallée de Los Caïdos sous une colonne de bras tendus. Le principal intéressé se défend pourtant, lors d’une interview au magazine Vanitatis, de toute velléité politique tout en critiquant ouvertement les socialistes et le parti Podemos sur son compte twitter. Un compte qu’il va finir par abandonner progressivement au fur et à mesure que va s’écouler cette année, exténué par un combat qui le contraint à retirer le corps de Franco de son mausolée sous le regard des caméras et des photographes (octobre 2019). De jeune homme timide et réservé dont la plastique affolait toutes les pucelles de France et de Navarre,  à fringant hidalgo, Louis-Alphonse de Bourbon a pris du galon et est rapidement devenu le porte-parole de de sa famille, prenant conseil auprès de Santiago Abascal qu’il reçoit régulièrement chez lui. Entre les deux hommes une amitié personnelle et politique. Tous deux partagent le même amour pour le sport, une admiration pour le Caudillo (l’actuel député s’est positionné contre l’exhumation de ses restes) et une certaine idée de la tradition.

Prenant prétexte de la course annuelle des légionnaires à laquelles Louis-Alphonse de Bourbon participe, c’est le journal « El Mundo » qui  a premier sonné la charge. En octobre 2018, il consacre un article complet sur la nature des liens entre le prince et celui qui est un député en devenir. Floqué de la croix de Bourgogne, un emblème carliste, le duc d’Anjou participe à cette célèbre épreuve d’endurance sportive et prend la pose aux côtés de Santiago Abascal. Le quotidien ne mâche pas ses mots et tire à boulets rouges sur le bisnieto invité au Congrès des familles où il a pris la parole, pris en photo aux côtés d’un identitaire français notable. Un rassemblement, « sorte d'organisation internationale qui regroupent aussi bien  ultra-conservateurs  de puissants lobbies évangéliques venus États-Unis, d'associations de droite, de monarchistes ultra-orthodoxes russes, de mouvements et de personnalités politiques néo-fascistes et xénophobes du monde entier, comme la Ligue italienne de Matteo Salvini » écrit le journal qui reproche au prince d’avoir condamné l’homosexualité , «  ces relations contre nature »  et son obsession de la préservation du modèle familial traditionnel lors de la lecture de « sa lettre à ses chers compatriotes ». Le discours passe mal, ses partisans l’applaudissent en Espagne mais divise chez ceux qui le soutiennent en France, oubliant qu’il a déjà pris position contre le mariage pour tous en 2013 au même titre que son concurrent de l’époque, le prince Henri d’Orléans. Louis-Alphonse de Bourbon n’en a cure et tient bon. Il tweete et retweete les déclarations de Vox sur ses réseaux sociaux mais tient à conserver un semblant de vie privée en créant deux comptes Facebook différents. A la barbe et au nez de ses partisans français qui se démènent  en vain pourtant pour l’imposer dans l’Hexagone après un formidable buzz lors de la crise des Gilets jaunes et sous le regard de ses amis madrilènes qui ne goûtent pas les gesticulations de ceux qui affirment parler au nom de « Louis XX ». Une prétention dont se gaussent régulièrement les journalistes espagnols et qu'il détient depuis la mort accidentelle de son père en 1989.

Dans son livre « La famille Franco SA », Mariano Sánchez Soler évoque ces relations étroites entre le rejeton Bourbon et le parti Vox qui a phagocyté la fondation Franco, plaçant ses cadres au sein de l’organisme. L’écrivain confirme «  la relation étroite entre Abascal et Luis-Alfonso, à la fois personnelle et politique. «Il représente le grand rêve des Francos, celui d’accéder au trône [d’Espagne dont son père a été longtemps pressenti avant que le caudillo ne choisisse Juan Carlos-ndlr] en premier lieu. Mais, en plus, il est le président d'honneur de la Fondation nationale Francisco Franco et c'est lui qui est devenu le dépositaire de l'héritage politique », ajoute Mariano Sánchez Soler.  Parmi les amis voxistes du prince, le numéro deux du parti,  un certain Víctor González Coello du Portugal qui a cristallisé les attentions ces derniers jours.  Son amitié avec le vice–président de Vox est si proche que les deux partagent les mêmes bureaux au siège social des entreprises de Louis-Alphonse, sacré influenceur par les médias hispaniques en 2017. Il est son principal relais parmi les lobbys ultra-catholiques tel que l’association Cura Infirmorum et Natura-Seminare où Louis-Alphonse de Bourbon siège au conseil d’administration avec, plus suprenant, un autre prétendant au trône  contesté du Portugal, le duc de Loulé. Autre voxiste proche du futur duc de Franco, un titre dont il a fait des pieds et des mains pour que sa mère le récupère au prix d’une solide controverse sur fond de rivalités entre le Parti Populaire et le Parti socialiste espagnol, Juan José Aizcorbe Torra. Le député est aussi l’avocat de la Famille Franco et un phalangiste assumé. « En théorie, ils n'ont aucun rapport entre eux, mais si vous lisez les éditoriaux et les écrits, vous vous rendez compte que le soutien [de la part des Franco-ndlr] à Abascal et  à Vox est très clair » renchérit Mariano Sánchez Soler qui fait remarquer que de nombreux noms de ce parti se sont retrouvés sur une pétition qui a demandé le maintien des restes du Caudillo à la Vallée de Los Caïdos. Pourtant chez Vox, si on ne verrait pas d’un mauvais œil la montée sur le trône de Louis-Alphonse, on nie très curieusement tout lien avec Louis-Alphonse de Bourbon.

Louis-Alphonse est à la tête d’une fortune considérable, estimée à plusieurs  millions d’euros selon les chiffres avancés par les médias (ils englobent les actifs de tous les Franco). Banquier de formation, à la tête de succursales financières dirigées par le milliardaire vénézuélien Victor Vargas, son beau-père proche du gouvernement chaviste, Louis –Alphonse finance-t-il en sous-main le parti Vox  quand il ne verse pas un penny à ses partisans en France, les Légitimistes ? C’est la question que se sont posés récemment certains quotidiens locaux qui scrutent les moindres mouvements du prince. Une attention qui agace le concerné et qui ne le cache pas comme en témoigne son refus de répondre aux questions d’un journaliste à la sortie de la messe du 45^ème anniversaire-hommage à Franco. Selon des journalistes, le prince organiserait des levées de fonds en faveur de Vox via une société écran basée dans le Grand-duché du Luxembourg et qui serait gérée par le frère de Víctor González Coello du Portugal ajoute de son côté  « El Diaro. Une affaire qui n’est pas sans rappeler celle des Panama Papers où son nom avait été cité avec d’autres membres de la famille royale.

Le journal « Publico  » affirme même que le parquet judiciaire pourrait ordonner une enquête qui pourrait éclabousser le roi Felipe VI, lui-même étrangement cité. Le lien entre l'arrière-petit-fils de Francisco Franco et cette société immobilière appartenant au González Coello de Portugal, est apparu après que celle-ci ait été dissoute. Le certificat de dissolution, daté du 30 octobre, détaille les actifs qui étaient entre les mains de cette société et qui sont subitement passés entre les mains de son unique associé, Louis-Alphonse de Bourbon, déjà détenteur d’une participation à hauteur de 25%. Un nouveau scandale financier qui s’ajouterait à celui, plus récents,  de deux autres banques dans les Antilles néerlandaises dont le prince était le principal directeur selon l’organigramme transmis à la justice caribéenne comme le rappelle le magazine « Vanitatis ».  Louis–Alphonse de Bourbon de nouveau dans l’œil de la tempête ? Il n’a pas réagi aux nouvelles accusations auxquelles il fait face en plus de devoir gérer la « quasi nationalisation » du Pazo de Meiras, la demeure des Franco, par le gouvernement. Mais de l’avis de ses proches, le prétendant au trône de France est épuisé et ne serait obnubilé que par  une seule chose, protéger ses 4 enfants de toute surmédiatisation inutile et qui l'a tant blessé durant sa jeunesse, marqué du sceau de la tragédie.  

Copyright@Frederic de Natal