Manuel Valls, entre république et monarchie, un opportunisme ?

Manuel Valls. Playfroundmedias« En Espagne être monarchiste aujourd’hui ne veut rien dire d'autre que de soutenir le grand pacte constitutionnel de 1978 qui a conduit ce pays à la démocratie et à sa meilleure période historique des 300 dernières années...Ne pas le comprendre c’ est commettre une lourde erreur. ».  Depuis qu’il a décidé de traverser les Pyrénées, Manuel Valls, ancien premier ministre de la Vème République, fait preuve d’un singulier attachement à la monarchie de Felipe VI, qui surprend tous les observateurs. Élu conseiller municipal de Barcelone en 2019, il n’a pas hésité à participer à une manifestation en faveur de l’unité du royaume d’Espagne aux côtés de la droite et l’extrême-droite espagnole, saluant le travail du roi Juan Carlos.

Manuel valls devant le drapeau espagnolDepuis qu’il a décidé de « s’exiler volontairement » en Espagne, pays où il est né il y a 58 ans, Manuel Valls a décidé de franchir le Rubicon qui sépare République de la monarchie. En octobre 2018, la passe d’armes entre l’ancien député-maire d’Evry Manuel Valls et la maire de Barcelone avait été largement médiatisée. «Tourner le dos (au roi) Felipe VI et demander l'abolition de la monarchie montre qu'Ada Colau n'est pas une personne de confiance, c'est la démonstration de la connivence entre la maire actuelle et les groupes radicaux et indépendants » s’était plaint un Manuel Valls sur son compte twitter, levant l'oriflamme de la monarchie espagnole face aux indépendantistes. Une déclaration suprenante et loin de son parcours politique. En effet, ce  catalan d’origine a fait toute sa scolarité comme son service militaire en France. Par rejet de la dictature franquistes, il adhère au parti socialiste et gravit, un à un, les échelons d’un mouvement qui accède au pouvoir en 1981 avec François Mitterrand. Franc-maçon, il côtoie le pouvoir de très près et lors des primaires de son parti en 2011 montre au grand jour ses ambitions.

Premier ministre valls recoit le roi et la reine d espagne« Elu sur un malentendu » d’après Manuel Valls, le président François Hollande n’est pas rancunier et le nomme ministre de l’Intérieur. Un poste de qu’il occupe de 2012 à 2014 avant d’accéder à celui de Premier ministre durant 2 ans. Il crispe, agace, affirme son attachement aux « valeurs de la République française (…) qui se traduit en actes », cristallise les passions par son irascible tempérament qui ne laisse pas insensibles ses adversaires. Lorsqu’il reçoit le souverain espagnol, en visite officielle avec son épouse, en juin 2015, Manuel Valls évoque son émotion d’être en face d’un monarque qui incarne « l’unité du pays ». « Si l'histoire entre la France et l'Espagne a pu être tumultueuse, il existe depuis longtemps une relation de fraternité et de paix, et quand le roi d'Espagne, jeune, populaire et qui incarne l'unité de son pays, vient à l'Assemblée dans le cadre de son voyage d'État, cela représente une émotion particulière, surtout pour ceux qui sont d'origine espagnole comme moi» déclare t-il à la presse.

Manuel valls conseiller municipalDepuis qu’il a été élu conseiller municipal de Barcelone, après avoir raté l’investiture par le parti de centre-droit Ciudadanos, Manuel Valls se démène pour prouver son nouvel amour à la monarchie. Ce que n’a pas manqué d’ironiser son ancien condisciple au parti socialiste, le député Jean –Luc Mélenchon. Un échange vif sur les réseaux sociaux ou l’élu de la France Insoumise s’est fendu d’un tweet assassin : « M. #Valls « républicain » en France, monarchiste en #Espagne. Et nuisible partout ».  Fidèle à lui-même, l’ancien élu de la République lui a rétorqué du tac au tac : « Tiens voilà ce pauvre @JLMelenchon ...Moi je défends partout la démocratie...En France. c'est une République. C’est son histoire et le choix de son peuple. En Espagne c’est une monarchie parlementaire, une grande démocratie aussi. Ce fut le choix en 1978 de 90% des espagnols. ». L’échange a amusé la presse française qui s’interroge ou se gausse du néo-monarchisme renaissant de Manuel Valls. « Qu'une républicaine défende la République est assez prévisible » avait déclaré par le passé Ada Colau. « Mais on a plus de mal à faire confiance à un républicain français qui soudain devient monarchiste » s'était moqué avec mépris la maire de Barcelone

Manuel valls fait campagne pour barceloneLui n’en a cure et n’a pas hésité à prêter serment devant le « sangre y oro » de l’Espagne. Lors de sa campagne en 2019, il a fermement « condamné et qualifié de frivole la résolution votée au Parlement catalan qui prône l'abolition de la monarchie ». Alors que le roi Juan Carlos est parti en exil à Abou Dhabi, sous le coup d’accusations de malversations financières, Manuel Valls n’a pas hésité à se porter au secours de la monarchie attaquée par les indépendantistes et les partis de la gauche expagnole. Au conseil municipal, Valls et Ada Colau continuent de s’entredéchirer sur la monarchie. Légitimisme versus indépendantisme, le débat passionne les espagnols. Jamais français républicain ne s’est montré autant royaliste que Manuel Valls. « Juan Carlos a fait plus pour la liberté et la démocratie que certains dirigeants politiques »  affirme t-il aux médias hispaniques  Un Manuel Valls qui a participé à une manifestation géante, pro-monarchie et pro-unité, aux côtés de la droite et l’extrême-droite. Celles là–mêmes qu’il fustigeait lorsqu’il était au gouvernement français.

Valls candidat a barcelone«Êtes-vous monarchiste ou républicain ? » lui a demandé la journaliste Ana Pastor lors d’une récente interview sur la « Sexta ». « «Regardez, la France est d'une certaine manière une République incarnée de l’intérieur par un principe monarchique. Le président de la République française, a de nombreux pouvoirs. Ne le surnomme-t-on pas le roi-président ? » a répondu sans hésiter Manuel Valls à la veille du 150ème anniversaire de la proclamation de la République en France. « Oui, mais celui dont vous parlez est choisi par le peuple. C'est une différence radicale, entre les deux, n’est-ce pas » lui répond Anna Pasto et qui fait remarquer que la République française est une curieuse monarchie qui se rend aux urnes tous les cinq ans et vote. Rien d’antinomique en soi pour l’élu de Barcelone qui cite comme exemple de réussites démocratiques, «la Grande-Bretagne, la Suède, le Danemark, la Norvège ou la Belgique ». Que des pays ayant comme régime, une institution monarchique.  Manuel Valls a pourtant récemment commis une erreur. En boycottant le débat qu’il a pourtant tenté de stopper, il a permis aux indépendantistes et à la gauche de pouvoir priver lors d’un vote, le roi Juan Carlos de  la Médaille d’or de la ville et de ses titres honorifiques et reconnaissances personnelles.

Peu de temps avant son départ pour la Catalogne, il avait tenté de recevoir une investiture de La République en marche, le mouvement du Président Emmanuel Macron. En vain. Et si il affirme aujourd’hui n’être « candidat à rien », l’ancien élu d’Evry rappelle qu’il n’a « pas rompu avec [Paris], ni avec la politique française. Etrange déclaration d'autant qu'il ne cache pas non plus sa volonté de devenir ministre du ...roi ! Manuel Valls, entre république et monarchie, un opportunisme qui ne se dément pas.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 03/09/2020

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