Une monarchie est née

Logo du mouvement monarchiste Ndébélé

Une nouvelle monarchie vient de naître…en Afrique. C’est au court d’une cérémonie secrète, non loin de Bulawayo, littéralement » le lieu du massacre », qu’une nouvelle monarchie est née. Située en plein Zimbabwe, un millier de Ndébélés se sont rassemblés pour acclamer leur nouveau monarque et le retour de la monarchie légitime. A la surprise générale.

Il a 33 ans, il s’appelle Bulelani Lobengula II Khumalo et il est le nouveau monarque d’une nation qui s’étend de l’ancienne Rhodésie du Sud au Transvaal sud-africain. C’est ici au cœur de l’Afrique australe que l’induna de Shaka Zoulou, Mzilikazi, fuyant le despotisme de son empereur, va fonder son propre royaume au XIXème iècle. Avec lui, des tribus diverses dont le seul point commun est de vouloir la paix. L’homme est craint, respecté, un guerrier que tous saluent et que les Zoulous vont tenter vainement à faire assassiner. Il signe même un traité de paix avec la jeune république Boer qui s’est constituée autour de Pretoria. Cela ne l’empêchera pas de fermer ses frontières à tous les blancs dont il se méfie. La maison royale des Khumalo est née.

Lorsqu’il meurt en septembre 1868, à 78 ans, il laisse à son fils Lobengula Ier un Matabeleland aux accents de légendes. En effet, selon les croyances populaires, c’est ici que se trouveraient les fameuses mines du roi Salomon, au sein des ruines du mystérieux Monomotapa et qui regorgeaient des métaux les plus précieux et jamais vus au monde. Cet or qui a excité les appétits des hommes de tout temps. Et le royaume Ndébélé va attirer toutes les jalousies et en particulier, celle d’un britannique qui va écrire les premières pages d’un Zimbabwe en devenir. Businessman à succès, Cecil Rhodes va obtenir de Lobengula la concession Rudd, une exclusivité sur les mines de son royaume (1888). Sans le savoir, le roi vient de lancer la course à la colonisation. Elle ne devait plus s’arrêter pour l’audacieux Rhodes, bientôt premier ministre qui rêve d’une Afrique britannique allant du Cap au Caire.

Lobengula a 20 femmes (180 de moins que son père), il pèse 120 kilogrammes et cousine avec le roi du Swaziland. Il ne résistera pas à l’armée britannique lors de la bataille sanglante de Shangani, le 25 octobre 1893. Un cinquième de son armée engagée dans le conflit va tomber sur cette plaine, fauchée par les premiers canons à mitraillette. Du côté adverse, le clairon ne retentira que pour 4 de ces habits rouges sur les 700 alignés. Londres a vengé ses morts d'Isandhlwana. Lobengula s’enfuit, meurt mystérieusement quelques mois plus tard, son royaume est en lambeaux, victime de l’ambition dévorante d’un dévoué sujet de sa Gracieuse Majesté Victoria. Ses 4 enfants, survivants et captifs vont connaître des sorts différents. Comme le prince Mpzeni qui est amené au Cap pour y recevoir une éducation européenne où il meurt à 18 ans d’une pleurésie. Ou son frère Sidojiwa ,maintenu en résidence surveillée, considéré comme un souverain par son peuple alors que lui ne souhaitait qu’être un …fonctionnaire. Sa mort le 13 juillet 1960 fera l’objet d’une intense cérémonie funéraire, une manifestation royaliste dont le gouvernement sud-rhodésien prit ombrage en apprenant que des nationalistes y avaient participé. Mais qui donc pour occuper une couronne que l’histoire allait rapidement enterrer ? Du moins pour les descendants des colons britanniques.

Lobengula IILorsque la Rhodésie du Sud renonce à son régime ségrégationniste, le gouvernement de Robert Mugabe, n’entend pas restaurer la monarchie en 1979. Le parti de « Comrade Bob », le ZANU-PF, se méfie de cette tribu un peu trop rebelle à son goût (elle soutenait son rival Joseph Nkomo) et qui manifeste quelques velléités indépendantistes que lui a servies sur un plateau d’argent, l’Afrique du Sud voisine. Le bantoustan du KwaNdebele, qui fut une république éphémère entre 1981 et 1994, ne plaisait pas à Harare qui craignait une contagion au sein de ses propres institutions. Durant 4 ans, dans le silence le plus total et formé par des agents nord-coréens, la fameuse 5ème brigade, l’armée zimbabwéenne va massacrer de 1983 à 1987, plus de 20 000 personnes (épisode du Gukurahundi). Rien d’étonnant en soi que la maison royale des Khumalo soit toujours en conflit avec le gouvernement de la République en dépit de ses divisions internes. Car en l’absence d’héritiers désignés, ils sont plusieurs à revendiquer le trône. Une histoire à plusieurs rebondissements dignes du théâtre de vaudeville.

Ainsi divers partis ont pris position soit en faveur du prince Stanley Raphaël ou du prince Bulelani comme le très monarchiste (comme son nom ne l'indique pas) Mthwakazi Republic Party(MRP) dirigé par Mqondisi Moyo ou la Patriotic Alliance of Mthwakazi Unions (PAMU) qui réclament l’indépendance des Ndébélés. Une balkanisation du pays qui vit une crise d’identité et qui a aboutit au renversement du père de la nation lors d’un putsch en novembre 2017. Prévu en mars dernier, le couronnement a divisé le Conseil royal qui s’est déchiré devant les tribunaux. Chaque prétendant tentant d’empêcher l’autre de ceindre la couronne. Après une décennie d’annonces en tout genre, parfois ubuesques comme celle où la maison royale a demandé à l’ancien président de rendre les clefs de son palais, le prince Bulelani a finalement été choisi. Sans que la crise de succession ne soit terminée pour autant. En février, le prince Steve Zwide Lobengula II s’est aussi couronné roi des Ndébélés irritant prince Stanley Raphaël Khumalo , qui avait lui-même aussi fait son couronnement personnel un an auparavant devant ses partisans , prenant le nom de Mzilikazi II.

Agacé lui-même par toutes ces tergiversations autour d’une monarchie qu’il n’entend pas reconnaître, le gouvernement zimbabwéen a dû intervenir plus d’une fois pour séparer les clans respectifs comme en novembre dernier où les partisans des « rois » se sont affrontés à la machette et à la sagaie. Ou encore en mars 2018. Doté d’un drapeau royal, les Ndébélés réclament la restauration de leur monarchie, un véritable état séparé du reste du Zimbabwe. Une sécession inacceptable selon celui qui a été le ministre de l’intérieur, Obert Mpofu, jusqu’en septembre dernier qui tentait de minimiser la portée de ces revendications. Il avait averti la maison royale, cette famille juste soutenue « par quelques chefs traditionnellement et essentiellement dans le Nord du Matabeland » à ne « pas pousser trop loin le bouchon » ni de tenter « d’'ignorer les lois constitutionnelles » actuellement en vigueur.

Le roi Bulelani Lobegula IIUn avertissement dont n’ont pas tenu compte les membres du Conseil royal. Le 1er octobre dans l’indifférence des médias, qui ne voient l’Afrique que par le seul prisme des plages, safaris teintés de massacres ethniques sur fond de coup d’états militaires, la monarchie des Ndébélés a été restaurée. Le Zimbabwe se retrouve donc subitement avec un président, Emmerson Mnangagwa, élu dans des circonstances controversées, et un monarque (ou plusieurs) sans pouvoirs mais qui affirme régner de droit sur sa nation.

Le nouveau ministre de l’intérieur, July Moyo, a déclaré à la presse que cet événement « n’était que culturel et sans importance aux yeux de la présidence » rappelant « que l’actuelle constitution ne reconnaissait ni rois ni reines dans le pays mais uniquement de simples chefs traditionnels ou de kraals (villages) ». Convoqués en urgence par ailleurs pour s’expliquer sur le couronne d'un...étranger. Pour le chef Felix Nhlanhlayemangwe Khayisa Ndiweni, le sacre du nouveau souverain des Ndébélé est bien plus qu’une cérémonie folklorique. Désormais, le Zimbabwe a une nouvelle monarchie et un roi, Lobengula II, qui règne sur les 5 branches de la maison royale des Khumalo.

Et peu importe que la haute cour de justice viennent de décider de destituer le souverain, désormais réfugié en Afrique du Sud où il vit, 48 heures après son intronisation.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 19/10/2018

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